साधन sādhana

Ce terme comme beaucoup en sanskrit a plusieurs sens, celui de réalisation, accomplissement, résultat, moyen, instrument, preuve ou quête spirituelle.

De la racine verbale साध् sādh partir, s’exercer à, accomplir, effectuer, réaliser, pratiquer, arranger, régler, s’efforcer d’atteindre, acquérir, démontrer.

साधक sādhaka est celui qui opère, effectue, maîtrise, le pratiquant spirituel établi dans une voie de salut, magicien.  

Depuis l’aube des temps, l’homme est mu par le désir de se redresser, cette volonté intrinsèque atteste de la courbe même de l’évolution de l’humanité. Nos projets, nos rêves, nos ambitions sont les moteurs de notre propre révolution. Mais de quoi les nourrissons nous & de quelle manière les réalisons nous ? Nos désirs légitimes contiennent le germe de notre capacité à nous élever. Au delà des apparences s’expriment les aspirations profondes de notre être à accomplir le dessein qui lui est assigné.  

La Sadhana est à la fois la quête, le potentiel de réalisation mais aussi la discipline, les outils, l’espace & le temps que l’on dédie au devenir en nous. Plutôt que de nous laisser embarquer par les évènements extérieurs ou nos penchants intérieurs, la Sādhana consiste par des gestes simples à modifier nos habitudes, en privilégiant ce qui est réellement important voire vital à nos yeux, à introduire au quotidien de nouvelles pensées, dont la paroles & l’action seront les vecteurs. Cela implique une écoute minutieuse, une exploration curieuse de nos conditionnements pour en déraciner les tendances limitantes. Plutôt que de se laisser aspirer par le temps qui défile, s’inspirer d’un rituel, instaurer une routine, créer une nouvelle dynamique. Il existe différentes manières de mener la Sādhana, complémentaires, selon notre profil, nos aptitudes ou une période de notre vie:   

La pratique des postures Asana souvent couplée avec les exercices de maitrise du souffle Pranayama. 

L’introspection Tarka

La relaxation profonde Yoga nidra

La dévotion Bhakti Yoga souvent couplée avec le chant des mantra

L’étude et/ou la récitation de textes sacrés Jnana yoga pilier des enseignements de la spiritualité & des rituels 

Souvent couplée avec l’apprentissage du Sanskrit.

La méditation Dhyana

 La Sadhana requiert patience, persévérance, honnêteté & bienveillance. Elle passe par des moments d’enthousiasme, d’allégresse même & parfois de découragement car elle témoigne aussi des secousses qui émaillent notre parcours. Toutes ces pistes ouvrent en nous une voie, créent un espace qui transforme nos habitudes limitantes, contradictoires & développe les promesses de notre personnalité véritable & ses qualités du coeur afin que toutes les dimensions de l’être puissent coexister harmonieusement.

Sadhana pada  

Le second chapitre des Yoga sutra de Patanjali, intitulé Sadhana pada est dédié à la stratégie à mettre en oeuvre pour réaliser la transformation. Au sens historique du texte, l’auteur visait même une libération totale de toute interférence en isolant le Soi éternel Purusha afin d’en retrouver la pureté, la méthode s’adressait à un public de « renonçants » avertis. On entend aujourd’hui le texte sous un jour plus nuancé afin qu’il réponde aux nécessités de notre époque. 

II-1 Tapah-svàdhyàya-ishvarapranidhànàni kriyà-yogah

Le yoga de l’action se pratique selon 3 modalités inséparables : effort soutenu, conscience intérieure & abandon au divin. 

La discipline est l’ardeur qui calcine les scories du système psychophysique, pratiquée avec vigilance & assiduité dans les actes du quotidien elle induit progressivement la connaissance de soi. Ce travail intérieur mené avec patience, confiance & humilité est la condition nécessaire qui aboutit à l’état abandon au divin qui gît en chacun de nous.

II-2 Samàdhi-bhàvana-artha klésha-tanù-karana-arthash cha

Ce yoga de l’action a pour but d’atténuer la cause des souffrances & de mener au Samàdhi

Ici la notion d’atténuer, réduire, abandonner, éliminer car ce qui encombre étouffe la simplicité & la joie du moment présent.  

 II-3 Avidyà-asmità-ràga-dvésha-abhinivéshàh kléshàh

Les causes de la souffrance sont l’aveuglement, le sentiment d’égo, le désir de prendre, le refus d’accepter, l’attachement à la vie

Les 5 kleshas, causes de la souffrance représentent le champ émotionnel au côté des 5 vrittis les fluctuations, ensemble elles forment le contenu du mental manas. 

II-4 à 9 

  • Avidyà ignorance de la réalité source des autres souffrances, processus où nos émotions voilent le jugement, se contredisent, s’affrontent & nous désunissent. 
  • Asmità sens du je séparé, sens de l’individualité. Sentiment d’identification du sujet à l’objet, de celui qui voit, le témoin à celui qui est l’instrument de l’action, qui est le reflet du témoin, comme le soleil éclaire la lune & non la lune directement. Sentiment qui nous aveugle, recouvre notre vraie nature par un tas de croyances qui induisent la division. 
  • Ràga attraction, le désir de prendre est lié à la mémoire du plaisir, tendance à accumuler à être constamment happé vers l’extérieur, à fuir la vie intérieure.
  • Dvéshah répulsion, le refus est lié à la peur de souffrir, de manquer, tendance à l’immobilisme & l’introversion, à fuir le monde extérieur & relationnel.

Ràga & Dvéshah sont les 2 attitudes opposées faces aux différentes propositions que nous fait la vie, liées à la mémoire de nos expériences passées, elles engendrent nos habitudes comportementales qui à leur tour provoquent nos réactions automatiques.

  • Abhinivésha attachement à la vie, instinct de conservation + ou – développé selon l’éducation, le vécu, les circonstances, nous pousse à agir pour nous protéger, nous rassurer face à la peur de mourir directement liée à notre méconnaissance de la nature impermanente des êtres & des choses. 

II-10 Té pratiprasava-héyàh sùkshmàh 

Les causes légères de la souffrance peuvent être éliminées en les prenant à contre courant

La souffrance est l’apanage de l’égo insatisfait, elle induit la confusion du mental & ne peut donc être traitée par la sanction. Aller à contre-courant consiste à cesser d’argumenter, de nourrir les attentes, les frustrations & donc à inverser la vapeur pour couper court aux tergiversations du mental.

II-11 Dhyàna-héyà-tad-vrittayah

La méditation est également un moyen d’éliminer les causes de la souffrance

Les klésha découlent des vritti, par la méditation en remontant le fil de ce qui survient, on accède à la racine de l’affliction. 

II-12 Kleshà-mùlah karma-àshayo drishta-adrishta-janma-védaniyah

La loi du karma se transmet au travers de nos différentes naissances dont nos afflictions sont les racines 

Le processus karmique produit les conséquences inéluctables de nos actes, les klesha constituent le dépôt karmique de cette ronde existentielle.

II-13/14 Tant que le dépôt est là, les klesha continuent d’alimenter la source, selon qu’elles sont justes ou non elles produisent joie ou souffrance.

II-15/16  L’ignorance de la vraie nature du Soi est à l’origine des souffrances, le mental est impuissant à les soulager. La pratique spirituelle mène à la connaissance & l’action présente, dénuée des pensées passées ou futures est susceptible de semer les graines pures dépourvues du germe de la souffrance.

 II-17 Drashtri-drishayoh samyogo héya-hétuh

L’identification entre celui qui voit & ce qui est vu est la 1ère cause de souffrance et peut être évitée.

L’ignorance du réel est l’aveuglement qui consiste à confondre le spectateur & le spectacle, le Soi & la matière, la conscience profonde & la conscience périphérique, Purusha & Prakrti. C’est le sentiment du « moi je » qui crée cette illusion. 

 II-18/19 L’être manifesté est soumis à l’action des gunas ; inertie tamas, mouvement raja ou équilibre sattva. La raison de ce processus de manifestation est d’en jouir & d’alimenter les cycles karmiques ou de s’en libérer sur les différents plans de l’être.

II-20/21  La seule prérogative du témoin est de voir, celle du spectacle est d’être vu, le 2nd  n’existe pas pour lui même mais pour révéler le 1er, c’est l’apanage du sage. Le samyoga est l’état d’unité intérieure qui permet de discerner cette réalité.

II-24 Tasya hètur avidyà 

La non-connaissance du réel est la cause de confusion entre les 2 (témoin & spectacle)

L’ignorance est donc la cause des souffrances 

II-25 Lorsqu’elle disparaît, cesse l’identification du témoin au spectacle, celui-ci n’a plus d’emprise, le témoin est ainsi libéré de tout attachement. C’est l’état d’unité, l’état de yoga.

II-26 Vivéka-khyàtir a-viplavà hàna-upàyah

La pratique ininterrompue du  discernement est le moyen de mettre fin à l’ignorance 

Discernement entre réel & irréel, permanent et impermanent : clé de voûte de la philosophie du Samkhya sur laquelle se base les Yoga sutra

II-27/28 Elle augmente graduellement la connaissance infinie en amenant la lumière grâce à la pratique des différentes étapes du yoga.

II-29 à 55 Cette méthode est l’Ashtanga en 8 étapes qui permet de développer la faculté de discernement.

Navakshara Mantra

https://www.youtube.com/watch?v=cdlS1XC3Gus&list=RDcdlS1XC3Gus&start_radio=1

« Ôm Aim Rhim Khlim Chamundaye vicche »

Est un chant d’ornementation du Devi Mahatmya, texte mystique & philosophique de l’hindouisme dédié à la gloire de Devi la Déesse, puissance suprême & créatrice de l’univers. Il dépeint la bataille menée par Devi contre les forces démoniaques. Camundaye est une des formes de Devi, elle tire son nom des asura les démons Chanda & Munda, qu’elle a vaincues. 

 Chanda signifie féroce, décrit la poursuite passionnée.

Munda littéralement « tête rasée » décrit le retrait introverti, bien que le terme tête rasée soit le symbole du renoncement  Vaïragya ou dépassionnement, il prend ici un sens différent & fait allusion à une forme de désistement, de démission, de refus catégorique. 

Chanda & Munda illustrent deux attitudes psychologiques communes des fonctionnements de notre mental; les vṛtti वृत्ति. 

Ce terme signifie; mouvement circulaire, roulement , manière d’être ou d’agir, comportement , torsion ou fluctuation du mental de la racine verbale √ वृत् vṛt rouler, tourner.  pra-vrtti est le mouvement tourné vers l’extérieur, la poursuite frénétique de tout ce qui est plaisant aux sens (Chanda) ni-vrtti mouvement vers l’intérieur indique la fuite effrénée de tout ce qui est déplaisant (Munda)

Ces deux principes relèvent de Asmita le sens du je, sentiment erroné du sens de l’identification qui réagit aux stimuli extérieurs de ces deux manières selon nos experiences ou impressions passées. Si l’expérience a été agréable Asmita cherche à la reproduire passionnément voire indéfiniment, si l’impression a été douloureuse Asmita la repousse & lui résiste jusqu’à l’épuisement parfois. Ces deux matrices sont ancrées dans nos modes de fonctionnement en réponse aux situations que nous rencontrons. Et nous passons une grande partie de notre existence & dépensons une somme folle de notre énergie à être tiraillés entre ces deux polarité. Tant que les fluctuations du mental vrtti (pravrtti & nivrtti)  servent le faux moi Asmita & l’ignorance Avidya que l’on retrouve sous les formes démoniaques de shumbha & Nishumbha, ils attisent le désir insatiable Chanda (raga) & la répulsion Munda (dvesha).

Paradoxalement les mêmes chanda & munda, sont aussi les 2 mouvements qui stimulent notre propension à nous tourner vers Devi: Pravrtti l’attirance, provoque en nous le désir, la pulsion motrice qui nous pousse à nous dépasser, à nous élever.  Nivrtti la répulsion, amorce en nous une forme de détachement sincère vis à vis des cause de la souffrance afin de nous en affranchir. 

Bien que chanda & munda agissent initialement comme des forces démoniaques, ils peuvent sublimer leur énergie en force vertueuses au service de Devi. Pour cela ils doivent être anéantis, perdre leur identité démoniaque pour devenir la clé de la transformation.

On retrouve ces mêmes notions; sens du Je Asmita, ignorance Avidya, attachement Raga, repulsion Dvesha dans les Yoga sutra de Patanjali répertoriées sous la forme des Klesha les racines de l’affliction. 

Le Yoga est la maitrise des fluctuations du mental « yogaścittavrttinirodha » Yoga sutra 1. 2. 

Et la manière de faire cesser ces agitations est la pratique constante abhyasa dans un esprit de détachement vairagya.

 « abhyāsavairāgyābhyārh tannirodha » Yoga sutra 1. 12.

Le chant du mantra ou la pratique du Yoga sont 2 aspects de la sadhana parallèles & complémentaires .